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Le silence: avenir de la pub



A l'heure où la sollicitation sonore finit de s'inviter partout, le vrai luxe deviendra le silence.

Au retour d'un séjour à New-York, Tokyo ou Shanghai, le voyageur métropolitain revient le portable plein d'un clair aperçu de la Ville de Demain. Celle-ci serait - entre autres - le lieu d'une pollution sonore encore inconnue de nos latitudes. A croire ces mégalopoles futuristes, le citadin baignera bientôt à même la rue sous une cascade permanente de jingles, slogans & hits radio. Ajoutant leurs décibels à la familière cacophonie de la Cité, dans un jour artificiel d'écrans et de panneaux publicitaires finissant de dérouter nos sens.

Si l'impression est exotique pour le visiteur, cet assaut phonique constant n'est pas sans conséquences. Il sape, même inconsciemment, organismes et esprits. Preuve en est le soulagement à l'arrêt de ce bruit de fond auquel on ne faisait pourtant plus attention. Détente éphémère trop souvent accompagnée d'une incursion punitive d'acouphènes.

Les agences ont cependant choisi leur camp dans l'escalade de la Loudness War. Radio comme TV, le silence fait peur. La concentration de l'auditeur s'évanouirait sans stimulus oral, aussi afin que le volume de la publicité commande l'attention, celle-ci a repris à son compte une vieille ruse de producteur: la surcompression dynamique. Pour faire une analogie artistique plus préhensile qu'une explication scientifique, cette technique est à la peinture ce qu'un aplat de couleurs est à la recherche de perspectives. Comme si toute la profondeur d'un tableau se trouvait comprimée contre le même premier plan. Avec pour conséquence une augmentation du volume perçu, mais une 'respiration' du son complètement étouffée.

Ce son en permanence "au taquet" est pourtant susceptible de lasser l'oreille humaine et perdre son engagement. Contre-intuitif ?! Tout comme notre œil, cette dernière est en effet bien plus sensible au mouvement qu'à la constance. Plus attirée par les battements que les pleins phares, auxquels elle finit par s'habituer au prix d'une certaine fatigue. Le vrai "nom du jeu" de l'écoute attentive du public est donc l'imprévisibilité. Et la meilleure source de surprise jaillit du vide du silence. Un outil que certains artistes manipulent avec maestria.

Le silence fait en effet partie intégrante du son de The xx, James Blake, Nicolas Jaar ou encore des Pink Floyd. Entre leurs mains, la soustraction du son se charge de tension, de mélancolie, de sensualité... Comme un coup de projecteur en négatif, le silence souligne les punchlines hip-hop les plus mémorables de ses 'cuts' d'instrumentaux. Il plonge dans l'hystérie les fans du DJ qui feint le problème technique juste pour ce moment de frénésie où il relancera la machine. Décrit de froide landes industrielles dans les percussions sèches et robotiques d'un morceau new-wave.

Le silence n'est donc pas toujours l'absence de contenu. Il n'est d'ailleurs pas souhaitable qu'il soit l'absence totale de son : les expériences en chambre anéchoïque montrent que le silence absolu nous est insupportable après quelques minutes. Sa version apaisante est en fait à l'oreille ce que la vue des flammes est à l'œil : le bruit blanc.

Dans la plus pure tradition d'un Web toujours à l'heure pour offrir au monde les sous-cultures les plus random, le bruit blanc à ses fétichistes. Ces accros du bruissement, souffles et murmures binauraux révèrent un dieu à 4 lettres: ASMR. Une réaction cérébrale qui déclencherait des vagues de 'frissons' (les 'tingles') sous le cuir chevelu. Effets physiques réels ou placebo creepy, ces vidéos à rallonge restent un fascinant phénomène Youtube, avec ses stars qui dépassent régulièrement les millions de vues.

Luxueux, expressif, orgasmique... Le silence peut être éloquent. Rendons-lui sa voix.

Jérémy Mahieu CEO Brass Agence

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